Le petit village de Loulle qui compte environ 170 habitants, est devenu célèbre grâce à la découverte en 2004 de Jean-François RICHARD. Cet archélogoque et géologue amateur est tombé sur le site "par hasard" lors d'un footing. Dans une carrière désaffectée depuis 40 ans (déjà connue cependant des paléontologues pour ses nombreux fossiles de plantes terrestres), il découvre, 5 mètres sous le niveau initial du sol, un "megatracksite", l'un des plus grands sites à empreintes de dinosaures au monde.
Les recherches, enregistrements et prélèvements effectuées depuis (chantiers de fouilles paléontologiques en 2007, 2008 et 2009, photos, relevés biométriques, moulages, relevé par scannage lasérométrique 3D, relevé photographique complet à l'aide de 2 drônes, relevé orthophotographique, scannage photogrammatique et carrotages...) permettent désormais le travail en laboratoire.
Photo Robert LEPENNEC, chantier de fouilles 2008
Une partie des empreintes a été marquée à la peinture, avec des couleurs différentes, afin d'en rendre la lecture plus facile.
Cependant, on sait déjà que cette découverte a bouleversé l'idée que les spécialistes avaient jusque là du massif du Jura à l'Oxfordien Supérieur, à savoir une mer peu profonde mais permanente. La présence de ces traces au Jurassique Supérieur (visibles sur d'autres sites Jurassiens) atteste que la mer qui couvrait la région était parsemée d'iles assez vastes pour que puissent y vivre des espèces de la taille de ces grands dinosaures herbivores.
Source : Wikipédia
L'Oxfordien Supérieur est la première période géologique du Jurassique Supérieur qui s'étend de -161 à - 145 millions d'années. Pour faire simple, c'est au milieu du jaune et c'était finalement, il n'y a pas si longtemps !!
"Qu'est-ce qu'un homme dans la nature ? Un néant à l'égard de l'infini." (Pascal, Pensées)
Plus de 1500 empreintes de différents types et de différentes tailles sont visibles à Loulle : c'est ce que les spécialistes appellent un "megatracksite". Les empreintes ont été repérées dans 4 niveaux géologiques différents, ce qui indique le passage des dinosaures sur une période de plusieurs centaines ou milliers d'années. Sur chaque niveau, les empreintes ne sont pas dues au passage d'un troupeau, mais à celui d'animaux divers à différents moments.
On peut observer de nombreuses pistes de sauropodes : dinosaures végétariens de type Diplodocus, parmi les plus grands animaux que la Terre ait connus. Leurs pattes avant laissent des empreintes caractéristiques en forme de croissant ou de demi-lune alors que les pattes arrières laissent des traces de formes diverses mais principalement ovales.
Empreinte de patte de Sauropode
Piste de Sauropode
Une piste comporte des pattes arrières de 90 cm à 1 m de diamètre. En employant des formules mathématiques adaptées, cela nous indique un sauropode de 25 m de long et pesant entre 20 et 30 tonnes. On observe même un ensemble patte avant/patte arrière dont cette dernière mesure, sans le bourrelet, 1,50 m de diamètre, ce qui en fait une des plus grosses empreintes de ce type au monde, sinon la plus grande.
On peut observer également 5 pistes de théropodes, dinausores carnivores, marchant sur leurs pattes arrières (type Tyrannosaure Rex) et laissant des empreintes semblables à celles des oiseaux (3 doigts dont le doigt central plus long que les deux autres). Ces empreintes ont été faites par des animaux de tailles différentes : elles mesurent de 30 à 70 cm.
Patte arrière de Théropode
Piste de Théropode
La piste à empreintes de 70 cm correspond à un animal de 10 m de long, rappelant le fameux T-Rex. Mais ce dernier a vécu en Amérique du Nord et 65 millions d'années plus tard seulement... des empreintes de cette taille ne seraient actuellement connues qu'en Suisse et en Allemagne...
Enfin, on peut observer une piste laissée sans doute par le passage d'une tortue.
Le site de la "Carrière des Géants" de Loulle fait partie de la liste des patrimoines naturels classés de Franche-Comté.
LE DEVENIR DU SITE :
Aujourd"hui le site est à ciel ouvert, balayé par les intempéries (altitude 600 m). A la fin des travaux de fouilles de Pierre HANTZPERGUE et Jean-Pierre MAZIN, aucune mesure de sauvegarde n'a été prise. Le projet de protection du site à 2 millions d'euros (construction d'un bâtiment chauffé pour préserver les empreintes) faisant sourire les élus.
Vincent BICHET et Michel CAMPY (Photo Le Progrès)
Fin 2012, Michel CAMPY et Vincent BICHET (géologues Franc-Comtois) tiraient la sonnette d'alarme : le site se détériorait et, selon eux, ne pouvaient pas passer un hiver de plus ainsi. La solution préconisée : ils proposent de fermer le site, puis de poser un tissu de protection (géotextile) et enfin, de faire venir du sable et du remblai. Une solution à moindre coût qui permettrait de protéger le site des agressions hivernales mais aussi des piétinements des visiteurs, de plus en plus nombreux, et de le léguer aux générations futures.
Oui, mais les générations actuelles ? Scientifiques et élus s'opposent. La mairie de Loulle et la Com Com "Champagnole Porte du Jura" souhaitent garder l'authenticité du site et ont fait le choix de ne pas le rendre payant.
On se dirige peut-être vers un compromis : enfouir une partie de l'ancienne carrière et permettre la visite de l'autre partie.
Le site aujourd'hui : les herbes folles poussent dans les empreintes.
COMMENT CES EMPREINTES SE SONT-ELLES FORMEES ET CONSERVEES ??
En remontant dans le temps, il y a 155 millions d'années (datation du site), au moment où les dinosaures sont passés à Loulle, tout était différent :
- le continent unique, Pangée, commençait seulement à se morceler et l'esquisse de nos continents actuels à dériver.
- Le climat était alors subtropical humide (paysage côtier ressemblant à nos actuels Bahamas !) avec donc une alternance de phases pluvieuses et de phases sèches et chaudes.
Différents dinosaures sont alors passés à plusieurs moments sur le terrain tantôt meuble, tantôt plus ou moins sec. Nous sommes à l'arrière d'une plage et ils s'enfoncent plus ou moins, laissant des empreintes plus ou moins nettes, plus ou moins profondes...
Ces traces ont été fixées par dessication du sol et par production de carbonate de calcium par des cyanobactéries qui forme un voile algaire en période humide. Ce dernier crée ce qu'on appelle des stromatolites (minces couches de calcaire superposées). Ces phénomènes ont contribué à durcir les empreintes.
Le tout est ensuite comblé progressivement lors de transgressions marines par les sédiments apportés par une fine lame d'eau. Puis pendant des millions d'années suivants s'accumulent de grandes quantités de sédiments donnant des calcaires, sur plusieurs centaines de mètres d'épaisseur, en alternance avec des phases d'érosion très importantes.
Pour répondre à une question souvent posée : il n'a pas été trouvé d'os sur le site, les conditions de conservation étant différentes pour la fossilisation d'un corps (nécessité d'un ensevelissement rapide notamment) de celles décrites ci-dessus pour conserver les empreintes.
Jean-François RICHARD, découvreur du site (Photo Le Républicain Lorrain, été 2013)
Les fentes de retrait traduisent une dessiccation par émersion de la boue calcaire.
PRECAUTIONS A PRENDRE LORS DE VOTRE VISITE :
Le site à empreintes de pas de dinosaures de Loulle est un site exceptionnel, unique et fragile... et non renouvelable. Attention à ne pas le dégrader (éviter de marcher sur les parties fragiles, le site se visite aisément depuis les talus surélevés), ne pas jeter de pierres... Ceci afin de permettre pendant longtemps à tous ceux qui le désirent de faire un voyage extraordinaire dans le passé !
Sources :
Panneaux d'information sur le site (Jean-François RICHARD, découvreur du site), cours de géologie de Michel CAMPY et Vincent BICHET qui furent de merveilleux professeurs, articles parus dans l'Est républicain et le Républicain Lorrain, shuttersstock.com, IGN,
Photos : Robert LEPENNEC (1), Le Progrès (1), Le Républicain Lorrain (1), me photos (8)
Je ne sais plus sur quel site j'ai repris la photo des Bahamas... si elle vous appartient, faites-moi signe...